Risques et atouts de Jouy-en-Josas (Ile-de-France) et ses alentours
Jouy-en-Josas, située dans la vallée de la Bièvre, à la limite des Yvelines et de l’Essonne, revêt un caractère particulier dans le sens que ses atouts, s’ils ne sont pas connus, peuvent se transformer en problèmes graves. Cette commune, à terme, peut cumuler les avantages d’une cité-jardin comme le Vésinet et ceux d’une ville-promontoire comme Saint-Germain-en-Laye (toutes les deux situées également dans les Yvelines) mais à condition de se prémunir contre les vulnérabilités liées à deux types de risques, que l’on retrouve également dans des communes de montagne : les crues et les mouvements de terrains. En se prémunissant contre ces dangers, la ville protègera son cadre de vie.
Les crues
En effet, le cœur du « village » – 8315 habitants en 2015, tout de même ! – se loge dans le fond de la vallée où passe la Bièvre, une petite rivière qui coule paisiblement entre les maisons du centre. Un cours d’eau qui dort mais qui est susceptible de bondir pendant l’été, lors des orages un peu violents. Dans ces cas, des pluies orageuses peuvent se déverser toutes en même temps sur plusieurs couloirs des deux versants (transportant, au passage, des véhicules) et ces ruissellements vont se rejoindre au fond de la vallée (talweg). Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1982, par exemple, une crue centennale avait inondé le parking de la gare du RER : le niveau d’eau sur cette aire de stationnement, située en surface, était monté de plus d’un mètre en quelques heures. De même, des précipitations exceptionnelles, en août 2003 et juin 2005, avait rempli la vallée de la Bièvre. D’après le témoignage d’un élu local, une lame d’eau de plus de 10 cm s’était formée sur la rue Jean Bauvinon, qui relie le centre-ville au plateau de Vélizy. Aidé par la déclivité des deux coteaux bordant cette route (celui à l’est : 60 m de hauteur pour une distance de 200 m, ce qui donne un coefficient de 30% ou un angle de 13,5°), ainsi que celle de la rue elle-même, cette lame d’eau de plus de dix cm a déferlé sur la route Bauvinon et cet élu a dû, pour rentrer chez lui, barboter dans l’eau jusqu’au niveau des chevilles !
Moins rapides, mais il s’agit quand même de faire attention, sont les crues hivernales ou printanières lorsque le cumul des précipitations est supérieur à ce que peut absorber les digues et canalisations artificielles de la Bièvre-amont.
Dans le cadre des directives de l’Etat français visant à densifier les centres-villes et à augmenter le pourcentage de logements sociaux (toutes catégories confondues), le maire a souhaité, vers 2010, faire construire un ensemble de 120 logements, dans le cadre de vastes immeubles. Ce projet, en plus de l’opposition d’une partie de la population, s’est retrouvé confronté à la question des risques d’inondations. Certes, depuis celle de 1982, les réseaux d’écoulement ont été aménagés : bondes, bassins de rétentions, vannes automatiques, et même un projet de remodeler l’amont de la Bièvre pour la faire revenir à son lit d’origine, plus sinueux et donc plus efficaces pour lutter contre les crues.
Cependant, si l’on se base sur les travaux du professeur Jean-Noël Salomon, tous ces aménagements ne sont efficaces que si les crues restent moyennes. En cas d’élévation brutale et exceptionnelle, non seulement ces aménagements ne contiendront pas l’eau mais ils pourraient même se retourner contre la population en retardant l’évacuation de l’eau lors de la baisse du niveau d’eau. Salomon résume la solution ainsi : Dans tous les cas, il vaut mieux chercher à étaler la crue que la contenir. [1]SALOMON Jean-Noël, L’Homme face aux crues et aux inondations, Presses Universitaires de Bordeaux, Talence, mai 1997, p 116 (Coll. Scieteren) D’ailleurs, si nous regardons les maisons bordant le bief, en amont du Vieux Moulin, toujours dans le centre de Jouy, nous nous apercevons que les pièces d’habitation sont placées au 1er étage, le rez-de-chaussée étant inondable et donc plutôt réservé à du rangement.
Cependant, l’aléa Inondation n’est pas le seul problème pouvant affecter le cadre de vie de Jouy-en-Josas.
Les mouvements de terrain
Si le bourg bénéficie de points de vue d’où l’on peut admirer la vallée, ces points étant situés sur les hauteurs du coteau sud (panorama en direction de Versailles et Paris) ou bien celui du nord (en regardant vers Saclay), ces pentes se transforment quelque fois en falaise. Par exemple, celles qui descendent de Vélizy (dont fait partie la rue Jean Bauvinon mentionnée plus haut), et plus particulièrement la falaise située sur le flanc nord de la rue Charles-de-Gaulle (D 446) qui traverse le quartier du Petit-Jouy (extrémité ouest de Jouy-en-Josas), en aval de la parcelle 99 de la forêt de Versailles qui surplombe la route. Qui surplombe ou qui même qui menace, devrait-on dire. En effet, la pente atteint à certains endroits une déclivité de plus de 400% (>75°). [2]A 30° de déclivité moyenne, une pente est considérée comme étant à la limite entre la piste noire d’une station de ski de haute montagne et un itinéraire de free-ride (ski libre, c’est-à-dire sur des parcours dangereux et réservés à des professionnels de haut-vol). Au-delà de 45°, l’adhérence n’est plus assez forte pour permettre à un skieur de redresser en cas de chute. Ce type de pente peut rendre une avalanche particulièrement puissante.
En bas, sur le territoire des Loges-en-Josas, des maisons ou immeubles s’étalent tranquillement le long du côté nord de la rue, comme si de rien n’était. Oui, tout est paisible ou calme grâce aux arbres et buissons qui, avec leurs racines, retiennent la terre et le sous-sol, autant qu’ils peuvent. Le problème réside dans le fait que pour construire certaines de ces habitations, les responsables de chantiers ont «mordu» dans la falaise, fragilisant ainsi le pied de cette dernière. Bien sûr, un mur de rétention a quelque fois été construit pour se protéger des éboulements, un peu comme le Petit Prince espère que sa rose, grâce son épine, se protégera des herbivores. Avec la petite différence que dans ces habitations bordant la rue Charles de Gaulle, des êtres humains réels y habitent et en cas d’éboulement, notamment lors d’une crue orageuse exceptionnelle, ce n’est pas un petit mur qui va empêcher des tonnes de boue, de roches et de troncs d’arbre de s’abattre sur le bâtiment. La combinaison de la masse de ces éléments et de leur vitesse risque de tout détruire.
Nous venons donc de remarquer qu’aux endroits de forte pente, ce n’est pas le ciel mais la terre qui risquait de nous tomber sur la tête. De plus, ce risque de mouvement de terrain ne se limite pas à l’axe vertical.
Si un père – ou une mère – de famille, fraîchement arrivé, souhaite acheter un logement sur cette partie de la Vallée de la Bièvre, il sera séduit par le caractère bucolique de l’endroit. La verdure et les panoramas invitent le nouveau venu à s’attarder et à flâner. S’il lui prend de vouloir se promener, à partir de la rue Charles de Gaulle, et à monter vers le Bois puis à voir, depuis l’extérieur, le château de Montebello et l’ensemble du quartier des Metz, il notera certains noms de voies : chemin de la Mare des Metz, rue des Pétrins, chemin du Fonds de la Noue.[3]La noue est un fossé large en pente douce (pente inférieure à 30%) Ces noms évoquent la présence d’eau donc la possibilité d’un sous-sol en partie imperméable et favorisant l’apparition de sources ou de torrents temporaires. Or, parmi les composés de la lithosphère [4]Sous-sol. Du grec lithos, la pierre, et sphaira, la balle. Autrement dit, le monde relatif aux roches du sous-sol qui sont imperméables, on trouve l’argile et la marne : la route de la Briqueterie, [5]Les briques sont des matériaux de construction fabriqués à partir d’argile, du moins dans le premier sens du terme située à l’est du quartier des Metz, évoque d’ailleurs directement la présence de ces sédiments. Ces deux roches sédimentaires présentent, vis-à-vis de l’urbanisme une caractéristique intéressante que tout potier connaît : elles gonflent en présence de l’eau et se contractent quand elles sont confrontées à la sécheresse. Si ces mouvements de surface se réalisaient d’une façon harmonieuse, le tissu urbain ne serait pas trop touché. Mais le problème réside dans le fait que ces sous-sols bougent d’une façon inégalée, pouvant conduire les fondations de lotissements – ou même de bâtiments isolés – à subir des forces montantes uniquement sur une partie de leurs structures et ainsi déséquilibrer, voire casser ces dernières. Pour certaines d’entre elles, la solution était l’installation de micro-pieux. Cette opération, sauf quand elle est prévue dès la conception architecturale, nécessite de retirer la terre sous le bâtiment, d’installer ces fameux soutènements et enfin d’enterrer à nouveau les fondations. Il faut compter, au bas mot, 100.000 euros de frais lorsque cette opération doit être faite après coup.
Ainsi, la toponymie des voies de circulations, quand elle n’a pas été entièrement rebaptisée à des fins politiques, peut nous renseigner sur les caractéristiques géophysiques principales du quartier concerné. Les noms de rue, lorsque nous y faisons attention, peuvent nous inciter à prendre nos précautions face à d’éventuels risques environnementaux.
Logement ou cadre de vie ?
Alors, que faire entre la pression péri-urbaine – où de jeunes ménages avec d’éventuels enfants existants ou à venir émigrent depuis les centres urbains des agglomérations vers les périphéries – et la volonté de préserver un cadre de vie agréable avec de nombreux espaces verts et cours d’eau ? Ou plus prosaïquement, comment réussir à installer la ville à la campagne, utopie à laquelle avait réfléchi l’urbaniste britannique Ebenezer Howard (1850-1928), concepteur des cités-jardins ?
La construction d’immeubles d’habitation sur pilotis dans le centre de la commune de Jouy-en-Josas, peut apporter une réponse face au double défi du manque de logement en Ile-de-France, si nous ne regardons cette question qu’à l’échelle locale.[6]Une solution plus pérenne serait l’adoption d’une véritable décentralisation en France Mais il nous semble important d’éviter deux écueils : la sur-dimension éventuelle des nouveaux bâtiments par rapport à l’urbanisme local afin d’éviter la massyfication du centre-ville (selon le jeu de mot d’un habitant en référence à la ville voisine de Massy) et donc la baisse de la qualité de vie, d’une part, et d’autre part, cacher ou diminuer, lors des opérations de commercialisation, le risque de retrouver, lors des retours de vacances, son véhicule hors d’usage pour cause d’inondation. A ce titre, une proposition dans ce sens avait été faite sur le cahier de doléances concernant ce projet mais aucune réponse n’a été fournie jusqu’à maintenant. Cette proposition demandait simplement à ce que soit écrit en gras et en première page de chaque bail le fait que l’immeuble se trouvait en zone inondable et que donc le parking pouvait être envahi par l’eau notamment lors de crue d’orages d’été.
Par ailleurs, la vallée de la Bièvre a été classée en juillet 2000 pour son intérêt patrimonial, paysager et naturel, ce qui la protège de la pression urbaine de la région parisienne, territoire où vit, à titre de rappel, 20% de la population nationale. Cette pression apparaît notamment par le fait que plus d’un quart des demandes de dérogation relatif aux sites classés en Ile-de-France, concerne cette vallée.[7]Source : AVB (Association des Amis de la Vallée de la Bièvre) – Diagnostic de la Haute vallée de la Bièvre pour un cahier de gestion, 2011. Cette dernière, qui est parallèle à sa grande sœur, celle de Chevreuse, au sud du plateau de Saclay, fait partie – pour combien de temps encore ? – de la Grande Ceinture verte qui va, pratiquement sans discontinuités, de la forêt de Verrière à celle de Saint-Germain-en-Laye. Cette ceinture joue un rôle important dans la préservation de la faune et de la flore en Ile-de-France, région dont presque les trois-quarts de la superficie, en 2018, étaient toujours couverts d’espaces verts.
Quelles solutions ?
A l’échelle nationale, et comme évoquée plus haut, une solution pérenne serait de vraiment décentraliser la France et ainsi déménager les pouvoirs exécutif et législatifs dans une autre agglomération de province, comme Lyon par exemple. Cette solution peut faire réagir certains géographes ou urbanistes, habitués qu’ils sont, s’ils en ont les moyens, à l’hypertrophie de la région parisienne. Cependant, pour des millions d’habitants, la zone construite de l’Ile-de-France reste une région qui si elle offre des opportunités d’emplois et de réseau (la Seine-Saint-Denis, par exemple, joue un rôle de territoire-tampon pour les immigrés d’Afrique fraîchement arrivés), joue également un rôle de prison dans le sens qu’il est bien difficile pour un ménage, dont les deux partenaires doivent travailler, de déménager dans une agglomération de province et de trouver les mêmes possibilités d’embauche. Ainsi, Paris (intra et extra-muros) concentre les pouvoirs politiques et économiques, capte les forces vives du pays (20% du PIB national) et à partir de ses sièges sociaux de la Défense (1er quartier d’affaires européen) oblige les cadres ambitieux à passer par la case Capitale, rajoutant ainsi de très fortes tensions sur le logement, le transport, l’artificialisation de sols arables. [8]Le sol francilien est fertile et tout à fait propice à l’agriculture, notamment du fait des alluvions déposées par l’ancien lit de la Loire qui, dans la préhistoire, continuait vers le nord et se jetait dans la Seine
Certains proposent d’installer la capitale politique dans une ville moyenne de province. L’idée est également intéressante mais elle présente l’inconvénient que toutes les infrastuctures devraient être construites alors qu’à Lyon, par exemple, deuxième agglomération française après celle de Paris, le tissu urbain pourrait rapidement recevoir à nouveau ce rôle, comme ce fut le cas dans l’antiquité romaine avec Lugdunum.
Cependant, l’inconvénient majeur de ce type de décision, pour les Jovaciens, est qu’il ne se prend qu’à l’échelle nationale donc ce bourg ne peut qu’influer, au mieux, dans ce processus. A l’échelle locale et à court terme, Jouy-en-Josas doit à la fois s’adapter à ces tensions, voire, à les prévenir en essayant de mieux comprendre les contextes régional, national et européen. Pourquoi l’échelle continentale, direz-vous ? Parce que l’Union Européenne, avec ses deux capitales – Strasbourg et Bruxelles – pourrait changer la donne en participant à répartir les efforts humains et environnementaux sur les principales villes non seulement de la zone économique mais également sur les pays partenaires comme par exemple la Suisse qui avec l’Arc Lémanique (Genève et Lausanne), mais également les agglomérations de Bâle et Zurich jouent un rôle un rôle très important dans la diplomatie (Genève abrite le siège de l’ONU) et dans différents domaines industriels (horlogerie, pharmacie, finance, Recherche…). Apporter un regard à différentes échelles pour essayer d’informer, voire de prévenir les risques sociaux et environnementaux, voilà les objectifs de ce nouveau site : contrib.city !
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Références