Louis XIV, le Corona et la BCE (3/7) : centralisation et vulnérabilité sanitaire

Du point de vue de la santé, d’une façon générale, toute concentration humaine augmente les risques de propagation d’une maladie. Quand, à ce facteur de risques, sont rajoutés ceux d’un manque d’hygiène corporelle et domestique, du fait de l’absence d’eau potable courante ou de proximité, l’environnement urbain devient dès lors un milieu favorable à l’extension géographique d’une bactérie ou d’un virus. Par exemple, les épidémies de Peste à Paris, en 1661-1662, puis en 1667, précédées de la terrible famine de l’Avènement du roi en 1660 et 1661, montrent les inconvénients de la densité urbaine[1]SABOT Thierry, Les grandes crises démographiques de l’Ancien Régime, le 29 janvier 2009. [Consulté le 09/04/2020], disponible sur : https://www.histoire-genealogie.com/Les-grandes-crises-demographiques. Lorsque ce milieu devient encore plus dense, sous l’effet combiné de décisions politiques (la centralisation) et de progrès technologiques (transports) et commerciaux (attractivité financière), le risque est multiplié d’autant plus. Ainsi, les épidémies de choléra, entre autre dans le centre dense et insalubre de Paris, ont provoqué la mort de 18.400 personnes en 1832 et presque 19.000 décès en 1849[2]Rapport sur la marche et les effets du choléra-morbus dans Paris et dans le département de la Seine, Paris, 1832, p. 202. [Consulté le 08/04/2020], disponible sur : https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2004-3-page-433.htm. FAURE Alain, “Spéculation et société : les grands travaux à Paris au XIXe siècle”, in Histoire, économie et société – mars 2004, p 433 à 448, [Consulté le 08/04/2020], disponible sur : https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2004-3-page-433.htm. Lire aussi : CARMONA Michel, Haussman est nommé préfet de Paris, [Consulté le 08/04/2020], disponible sur : https://francearchives.fr/commemo/recueil-2003/40118. En effet, la population parisienne était passée de 700.000 habitants en 1817 à 1 million en 1849 et même à 1,2 million en 1853, soit une augmentation de 71% en juste un peu plus d’un tiers de siècle[3]GLICKMAN Juliette, Le Paris d’Haussmann : la transformation d’une ville,  juin 2019. [Consulté le 08/04/2020], disponible sur : https://www.napoleon.org/enseignants/documents/le-paris-dhaussmann-la-transformation-dune-ville/. Pour autant, le centre de la capitale n’avait guère évolué, les constructions récentes, moins insalubres, se faisant essentiellement dans les arrondissements extérieurs. Du fait de la mauvaise qualité de l’eau dans les puits et, avant Pasteur, de l’ignorance de l’existence des bactéries et virus[4]Pasteur publie en 1861 une étude sur le ferment butyrique (issu du beurre) démontrant l’existence des bactéries. Ce travail est la suite de plusieurs décennies de recherche européenne, par différents savants ou inventeurs, comme le Français Nicolas Appert qui créa la méthode de conservation en 1795, l’Appertisation, ou comme l’anatomiste italien Filippo Pacini qui découvrit en 1854 le bacille du choléra, notamment dans les milieux aqueux, la population ne faisait pas attention à la qualité biologique des eaux de boisson. L’historien et urbaniste Michel Carmona corrobore le lien entre l’eau que l’on buvait et le choléra en précisant bien que toutes les couches sociales étaient atteintes par la bactérie, et pas uniquement les populations pauvres ou ouvrières.

A la croisée des domaines de la santé et du transport, en 1900, au moment où naissait un curieux engin qui allait s’appeler l’automobile, 80.000 chevaux, ou moteurs à crottin, étaient présents dans la capitale[5]BONNIEL Marie-Aude, Le Figaro, “En 1900 le pic de pollution à Paris est dû aux «moteurs à crottin»”, le 1er juillet 2016. [Consulté le 08/04/2020], disponible sur : https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2016/07/01/26010-20160701ARTFIG00300-en-1900-le-pic-de-pollution-a-paris-est-du-aux-moteurs-a-crottin.php. En 1859, Etienne Lenoir, français d’origine belge, invente le premier moteur à combustion interne qui sera amélioré en 1864 par le Français Alphonse Beau de Rochas qui développe le modèle théorique du cycle à quatre temps pour améliorer le rendement du système. En 1897, Rudolf Diesel, un ingénieur franco-allemand – encore l’Europe! – construit le premier prototype du moteur à l’huile, qui prendra plus tard le nom de son inventeur[6]L’INTERN@UTE, Moteur à explosion – invention d’Etienne Lenoir. [Consulté le 28 avril 2020], disponible sur : http://www.linternaute.com/science/invention/inventions/415/moteur-a-explosion.shtml. Voir aussi : L’AUTOMOBILE, Le premier moteur à explosion et son inventeur -Rudolf Christian Karl Diesel. [Consulté le 28 avril 2020], disponible sur : https://sites.google.com/site/az42auto/home/le-premier-moteur-a-explosion-et-son-inventeur. Ces nouvelles technologies permirent de résoudre, n’en déplaise aux adeptes de l’écologie profonde, la question de la gestion du crottin de cheval face à la forte augmentation de la circulation hippomobile dans Paris au XIXe siècle. Cet état de fait posait un problème d’hygiène, mais aussi d’esthétique et de confort olfactif, dans l’ensemble de la capitale.

Que ce soit dans les domaines médical ou mécanique, ces progrès scientifiques montrent l’attractivité de la France et de sa capitale, avec toujours cette contradiction difficile à gérer pour les urbanistes : de la proximité géographique des êtres humains, au sein d’une mégalopole, nait un foisonnement d’idées et d’innovations mais également une augmentation des risques pour la population. Cette difficile équation pousse (ou en tout cas devrait encourager) les autorités à réfléchir sur la manière d’augmenter la première variable (via l’invention d’un vaccin, par exemple) tout en essayant de diminuer la seconde. Dans les articles suivants, Contrib’City reviendra sur la question de la décentralisation : grâce aux transports modernes – à condition que ces derniers soient désinfectés – et aux télécommunications, cette décentralisation, particulièrement en cette première moitié du XXIe siècle, entre pleinement dans la dynamique européenne et pourrait apporter un meilleur équilibre démographique aux échelles continentale et régionale, tout en permettant de continuer à développer les interactions constructives entre les citoyens.

Bibliographie supplémentaire [7]BÉLY Lucien, La France moderne. 1498-1789, Paris, PUF, 2003 [8]GARNOT Benoît, La population française : aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Ophrys, 2005. [9]LAROUSSE, Guerre de la succession d’Espagne, [Consulté le 08/04/2020], disponible sur : https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/guerre_de_la_Succession_dEspagne/145407 [10]HERODOTE, 1702-1713 – Guerre de la Succession d’Espagne, le 18/12/04. [Consulté le 08/04/2020], disponible sur : https://www.herodote.net/Guerre_de_la_Succession_d_Espagne-synthese-84.php [11]REINHARD Marcel, “La population française au XVIIe siècle” in Population, 1958, p 619-630, [Consulté le 08/04/2020], disponible sur : https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1958_num_13_4_5734 [12]CARMONA Michel, Haussman, Paris, Fayard, 2000, 647p

Références[+]