Centralisation, épidémie et terrorisme
Entre le début et la fin de la nuit du mercredi 28 au jeudi 29 octobre, l’officialisation de la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 et une seconde attaque terroriste ont frappé la France. Le nouvel épisode épidémique intervient après un été dont les Français ont bien – trop? – profité (cf : article CC du 20 juillet 2020 : Paré pour une 2e vague? ), après un confinement brutal et long lors du dernier printemps. L’assassinat (trois tués et plusieurs blessés) a été commis au sein même de la basilique Notre-Dame de Nice, après celui du professeur d’histoire-géographie Samuel Patty à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) le vendredi 16 octobre dernier. Regardons ces quatre évènements sanitaires et terroristes par le biais urbanistique, et plus particulièrement celui de la centralisation.
Ainsi que je l’avais déjà précisé, la centralisation, particulièrement forte dans notre pays, joue un rôle important dans la concentration des tensions issues des vies quotidiennes des habitants dans un territoire donné, que ce soit à l’échelle locale, régionale ou nationale. Les statistiques ont montré que le développement du virus Corona était favorisé dans les métropoles provinciales et la mégalopole parisienne. Au contraire, dans les zones rurales, la lutte contre l’épidémie était plus facile. Sur le plan socio-économique, même tendance : la concentration de familles en difficulté d’insertion et issues d’une multitudes d’origines, avec parfois plusieurs dizaines d’ethnies au sein d’un même quartier HLM, renforce les tensions liées au travail, au logement et à la vision symbolique de la société. Que ce soit vis-à-vis de l’épidémie ou du terrorisme, le terme de “guerre” a été utilisé : M. Macron, Président de la République française, en annonçant le second confinement (28/10/2020), et M. Christian Estrosi, maire de Nice, dans son discours contre “l’islamo-fascisme” sur France-Info le jeudi 29 octobre 2020, au matin.
Notre volonté et notre capacité à véritablement décentraliser la France jouera un rôle important pour diminuer, ou au contraire augmenter encore plus, ces tensions quotidiennes dont les épidémies et les meurtres (terrorisme mais aussi “règlement de comptes” entre trafiquants de drogues) sont des résurgences violentes. Répartir, d’une façon moins géographiquement déséquilibrée, les besoins liées à l’utilisation quotidienne des ressources territoriales entre les différentes régions, mais également, à l’échelle plus locale, entre les zones métropolitaines et rurales, permettrait de faciliter la gestion de nos quartiers et de nos villages.
Comme déjà cité auparavant, le déplacement des pouvoirs exécutifs et législatifs à Lyon, la deuxième agglomération de France, permettrait de quitter une organisation unipolaire (un seul méga-pôle d’attraction) pour aller vers une bi-polarité et commencer une dynamique de partenariat équilibré entre les différentes métropoles régionales, grâce au télé-travail et aux transports en commun rapides (à condition que ces derniers ne soient pas en grève). Ensuite, ce mouvement pourrait s’étendre aux villes moyennes ou petites qui voient actuellement leur attractivité baisser, au profit des métropoles, alors qu’elles proposent un cadre de vie très agréable pour un foncier meilleur marché. Mais là, une fois de plus, l’idée se heurte à la volonté politique : de même qu’au XVIIe siècle, dans l’élan de son père, Louis XIV avait œuvré pour le renforcement du rôle central de l’Etat, lancer une décentralisation effective aujourd’hui pourrait donner l’impression au Président de la République de céder une partie de son pouvoir, déjà malmené par l’Union Européenne.
Justement! Plutôt que d’attendre d’une façon passive que Bruxelles prenne progressivement et inéluctablement les rênes sur les décisions régaliennes de la France et de l’organisation de son tissus urbain et villageois, commençons dès aujourd’hui à nous organiser pour créer un territoire français – îles proches ou lointaines comprises – plus harmonieux. Cessons la création d’un foncier urbain en totale inadéquation avec les revenus de la majorité des Français : en Région Parisienne, certains logements peuvent atteindre le prix de plus de 10.000 €/m2 alors que le revenu médian national (toutes sources financières confondues pour chaque adulte) se situait, en 2015, à 1847 € nets par mois (INSEE).
Pour cela, les élus locaux doivent d’autant plus montrer l’exemple que la décentralisation signifie, pour eux, plus de liberté, et donc de responsabilités territoriales, et moins de contrôle du pouvoir centralisateur. Plusieurs furent interpelés sur la gestion des deniers publics (projets pharaoniques à Montpellier, investissements yvelinois en Afrique, …), la transparence de la vie publique (HATVP) ou le cumul d’un emploi salarié à temps plein (fonctionnaire) avec de multiples mandats politiques.
La Presse, notamment locale, aura du coup d’autant plus le devoir de publier et analyser les décisions et actions des hommes et femmes publics, pour peu que la liberté d’expression, pour les professeurs comme pour les journalistes, pour le secteur public comme pour le secteur privé, reste protégée. Dans le cas contraire, une France décentralisée mais sans éthique pourrait alors retourner vers une organisation d’un autre âge, seigneuriale et morcelée, qui tomberait rapidement, d’une façon passive et non constructive, sous la coupe réglementaire de l’U.E. Le pays perdrait alors son âme.
Bibliographie :
“Coronavirus : quelles sont les 14 grandes villes les plus touchées, Montpellier dans la liste”, Midi libre, le 18/09/2020.
LECANUET Anaïs, “Coronavirus : Les grandes villes de France, bientôt en alerte maximale ?”, Passeport santé, le 30/09/2020
DESHAYES Benoît, Incidence du Covid 19 dans les 22 métropoles, L’intern@ute, le 29/10/2020
FICEK Isabelle, “Attentat : Jean Castex veut renforcer la « protection des fonctionnaires »”, Les Echos, le 23/10/2020.
LIFFRAN Hervé, “Des élus partis à la pêche aux voix islamiques”, Le Canard enchaîné, le 2020/10/28.
“Le patron des Yvelines range ses factures au Sénégal”, Le Canard enchaîné, le 2018/11/28.
GARCIA David, “Les recettes du système Bédier – Dans les Yvelines, le clientélisme au quotidien”, Le Monde diplomatique, février 2017, p 18 et 19.
“Fonction publique : soupçons d’emplois fictifs pour des élus locaux niçois”, France Info et France Télévisions, le 14/10/2020.