Transparence financière et liberté

Cette semaine, un panneau d’affichage a particulièrement retenu mon attention. Au premier regard, pourtant, rien de très original : deux affiches électorales vantant les mérites de ceux qui les ont fait imprimer, le tout sur un support municipal tout ce qu’il y a de plus banal. Mais en regardant à deux fois, de nombreuses questions émergent de cet ensemble publicitaire.

Regardons d’abord le support puis jetons un coup d’œil sur les deux affiches politiques.

Tout d’abord, le panneau : le mot libre domine les images et les textes situées en-dessous. Il donne sens à l’ensemble. L’objectif de ces affiches ne consiste-t-il pas, justement, à permettre le déroulement des élections et donc le bon fonctionnement de la démocratie?

Regardons plus bas maintenant. Les deux affiches se superposent, dans une sorte de rage pour la conquête de l’espace publicitaire. En arrière-plan, comme une sorte de support, la propagande du député sortant, Jean-Noël Barrot[1]avec sa suppléante Anne Grignon, placé dans le centre de l’échiquier politique, et soutenu par le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron.

Collée sur la première affiche, vient la profession de foi de l’UNEP[2]Nouvelle union populaire, écologique et sociale. placée sous la houlette, à l’échelon national, du député Jean-Luc Mélanchon, considéré comme un candidat d’extrème-gauche par le politologue Alain Duhamel. On peut éventuellement se demander si cette extrème-gauche ne sert pas au centre et vice-versa, dans une sorte de jeu de pouvoir où extrêmes et modérés trouvent mutuellement leurs intérêts. 

Entrons un peu plus dans les détails et commençons par le centre représenté, à l’échelle locale, par Jean-Noël Barrot, Professeur d’économie à HEC, élu député en 2017, et vice-président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Donc quelqu’un de brillant et hautement compétent. Pourtant, quand on regarde les résultats des budgets de l’Etat – qui sont votés par le Parlement – les chiffres évoquent plutôt un constat amer, pour ne pas dire d’échec. En 2018, malgré une embellie économique, la Cour des comptes indique que pour la première fois depuis 2014, et après trois ans de quasi-stabilité, le déficit budgétaire de l’État s’est accru en 2018, passant de 67,7 Md€ en 2017 à 76,0 Md€. En 2019, la même Cour précise que ce budget s’achève sur un déficit en forte augmentation par rapport à 2018, soit un déficit de plus de 92 milliards d’euros. Bien sûr, on rétorquera que l’instauration du prélèvement à la source en 2019 a déplacé les revenus publics de décembre 2019 à janvier 2020. Ce qui veut dire, également, que le budget 2020 sera complété par les ressources de ce mois de décembre 2019. Mais, patatras, l’arrivée du Covid 19, en 2020, a généré, hélas, d’abord des drames sanitaires et sociaux, et ensuite un ralentissement économique. Les budgets de 2020 et 2021 ont ainsi été également déficitaires : – 92 Mds € pour 2020 et un record de -220 milliards d’euros pour 2021.

Ce déficit n’est pas l’affaire d’une mauvaise période : il est structurel. Depuis plus de quarante ans, jamais notre pays n’a pu réaliser un budget équilibré. Le montant de la Dette publique monte, continûment, en période de crise comme en période de croissance économique (2011-2019). Autrement, dit, nous roulons depuis longtemps dans un wagon de 1ère classe avec un billet de seconde. Attention, toutefois, à l’arrivée du contrôleur!

Le problème réside dans le fait que Jean-Noël Barrot ne nous dit pas, sur sa propagande, comment il compte équilibrer nos budgets et comment nous rembourserons notre dette publique. Il serait peut-être bon qu’un peu plus de transparence soit faite sur ce sujet. Contrib’City avait demandé au député quelles mesures il prévoyait vis-à-vis de notre déficit. L’élu n’a pas daigné répondre.

Mais, tant qu’à parler de transparence, Contrib’City avait également posé une autre question au député, à savoir à quel poste allait-il donner la priorité : enseignant à HEC, secrétaire général du MODEM, conseiller pour la Région Ile-de-France ou député au Parlement? En  effet, quand JN Barrot était complètement dédié à ses fonctions de député, il avait montré qu’il courrait de RV en meetings, et de meetings en sessions de l’Assemblée, six jour sur sept, y compris la nuit parfois. Donc un hommes très occupé, ce qui semble normal pour ce type de responsabilité. Puis, M. le Député avait postulé, et avait été élu, pour un mandat dans l’exécutif francilien, le tout en gardant une fonction dans l’enseignement! Les journées n’ayant que 24 heures, votre site préféré avait demandé à Jean-Noël Barrot quel poste aurait sa priorité. Mais là non plus, le député n’a pas répondu.

Enfin, il reste une dernière question que Contrib’City souhaite poser à l’élu. CC avait mis en exergue le fait qu’au tout début de son mandat, le député, qui avait gagné les élections législatives du 21 juin 2017, avait bien indiqué ses revenus à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. On pouvait même y voir ses salaires de chercheur au MIT (et comprendre, du coup, pourquoi de nombreux chercheurs quittent la France pour aller vers d’autres pays, dont les Etat-Unis). Mais, depuis, la situation de cette déclaration est moins claire : sur le site de la HATVP, pour l’année 2021, l’élu indique uniquement 2723 € de revenus (bruts ou nets?) pour son poste de conseiller régional de l’Ile-de-France. A cela il faut rajouter ses rémunérations en tant qu’enseignant-chercheur à HEC : 2462 € bruts par mois déclarés pour l’année 2020. Gagnait-il le même salaire durant l’année 2021? Cela n’est pas indiqué : dans sa dernière déclaration datée du 29 novembre 2021, il est juste mentionné : activité conservée. De plus, bizarrement, rien sur son poste de vice-président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, alors même que nous sommes à la veille de choisir notre prochain député pour la deuxième circonscription des Yvelines, dont fait partie Jouy-en-Josas. D’où la question : combien gagne Jean-Noël Barrot pour son mandat de parlementaire? A titre de rappel, la loi sur la transparence de la vie publique oblige les élus à faire leur déclaration d’intérêts dans les deux mois qui suivent [leur] nomination

Pour finir, la candidate liée à Jean-Luc Mélenchon, Maïté Carrive-Bédouani, docteure en mathématiques, donc bien à l’aise avec la rigueur des chiffres, oublie complètement de nous informer comment elle compte financer son programme : beaucoup de promesses, dont certaines très sympathiques, mais peu d’indications sur le financement de ces dernières, surtout dans le cadre d’un Etat endetté à six fois ses revenus (en prenant en compte ses engagements, comme la retraite des fonctionnaires). Le Dr Carrive-Bédouani parle d’investissements, mais ne précise pas qui avancera les fonds : des business angels, des multinationales, l’Etat français? Mais si c’est ce dernier, qui avancera les capitaux nécessaires au financement de la dette publique : les banques internationales privées ou les contribuables de France à travers leurs plans d’épargne? Qui? Cela n’est pas précisé dans le programme.

Précisons également que Jean-Luc Mélanchon, à l’instar de son collègue Jean-Noël Barrot, n’a pas non plus déclaré ses revenus de député à la HATVP.

Si nous voulons continuer à vivre à peu près librement, nous devrions faire attention à notre dette. Sinon, comme dit dans le précédent article, ce sont les créanciers qui vont nous demander des comptes. Peu sûr que nous soyons vraiment libres, ensuite, de leur faire faux bond sans devoir en assumer les conséquences qui pourraient s’avérer fâcheuses.

Pour conclure, j’exprimerai une dernière interrogation : est-ce qu’un peu plus de transparence sur la réalité de notre situation économique et sur les revenus de nos élus aiderait à lutter contre l’abstention lors des élections? Le débat est ouvert.

Déficit public français en valeurs relatives (en % du PIB français) et absolues (en milliards d’euros)

 

2019

2020

2021

var 2020-2021

var 2019-2021

Déficit public en % du PIB

-3,1

-9,2

-9,4

-0,2

-6,3

Déficit public en valeur

-74,7

-212

-228

-16

-153,3

Sources : IFRAP, INSEE.

Déclaration de Jean-Noël Barrot à la HATVP. L’actuel vice-président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, élu comme député en 2017, n’a toujours pas déclaré ses rémunérations parlementaires alors que le délai légal pour le faire est de deux mois.
Déclaration de Jean-Luc Mélenchon à la HATVP. L’actuel président du groupe “La France Insoumise” (LFI), élu comme député à l’Assemblée nationale en 2017, n’a toujours pas déclaré ses rémunérations parlementaires françaises.

 

 

Références[+]

3 réflexions sur “Transparence financière et liberté

  • 19 juin 2022 à 12 h 31 min
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    Blanc bonnet et bonnet blanc

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  • 18 juin 2022 à 16 h 47 min
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    ils ne sont pas bon à rien mais mauvais en tout

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  • 18 juin 2022 à 8 h 50 min
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    Merci à ContribCity pour ces informations
    Mr Barrot a été interpellé de nombreuses fois mais n’a jamais répondu : il ne s’intéresse pas à nous.
    À nous de ne pas s’intéresser à lui en ne votant pas pour lui ou en s’abstenant tout simplement.

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