Entre les élections américaines et l’expansion chinoise, quid de l’Europe? (1/2)
Pendant presque une semaine, le suspens de l’élection du nouveau président des Etats-Unis a provoqué le “buzz” dans le monde entier, contribuant à renforcer encore plus la puissance médiatique de ce pays. Peu de personnes, je pense, ignorent aujourd’hui les noms de Trump ou de Biden. Mais qui connaît celui d’Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne, c’est-à-dire de l’exécutif de l’Union Européenne? Elue au suffrage indirect via le Parlement Européen, Leyen s’occupe d’appliquer les décisions votées par l’assemblée législative de l’Union Européenne, union territoriale dont le PIB dépasse certaines années celui des Etats-Unis d’Amérique.
Pourtant, l’U.E est souvent décriée et mise à mal. Tout d’abord en interne par des élus dont la vision politique est plus tournée vers la dimension locale, comme par exemple Philippe de Villiers, ou bien Boris Johnson, actuel premier Ministre britannique et leader du Brexit. A l’inverse, d’autres militent pour une Europe plus fédérale. Exemples : des économistes comme Paolo Gentiloni, chef du gouvernement italien de 2016 à 2018; ou des personnalités non élues mais bénéficiant d’une renommée mondiale comme Christine Lagarde, ancienne ministre et actuelle présidente de la Banque Centrale Européenne, ou bien encore les controversés Jacques Attali, ancien conseiller de François Mitterrand, ou le syndicaliste patronal Pierre Gattaz, ancien président du Mouvement des entreprises de France (Medef) et actuel patron de BusinessEurope (lobby des chefs d’entreprises privées européennes).
En interne, la question porte essentiellement sur l’identité et la dynamique économique du territoire à l’échelle d’une région ou d’un département (les équivalents approximatifs d’un comté au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis). En externe, les plaintes portent sur le manque de représentation du continent européen face à deux géants : l’Asie (médiatisée via la Chine devenue en 2010 la seconde puissance économique du monde en chiffres absolus si l’on calcule le PIB via les prix courants) et l’Amérique (connue essentiellement par les USA, première puissance militaire et toujours champion économique mondial, en valeurs absolues et par habitants). Pourtant, l’Union Européenne a son mot à dire : entre 2006 et 2015 inclus, l’U.E a été la première puissance économique dans le monde, devant les USA et la Chine (sources : FMI et Banque mondiale).
Les lecteurs de contrib.city auront remarqué le nombre d’articles portant sur des questions à l’échelle locale et sur le thème de la décentralisation (nécessaire en France). Mais le site souhaite également mettre en valeur la dimension continentale : aujourd’hui, les grandes décisions militaires, financières, industrielles et démographiques se prennent à l’échelle des continents. Les systèmes de communication, de transports et de transferts bancaires se font à l’échelle mondiale.
Du point de vue militaire, la main mise du gouvernement chinois sur Hong Kong, avec la très houleuse question des lois sur la “sécurité”, ou celle de la progression de sa marine en Mer de Chine méridionale, n’est pas sans poser quelques questions. Que faut-il assurer : un régime autoritaire ou un pays composé de plusieurs peuples parlant plusieurs langues et ayant chacun une Histoire particulière? Jusqu’où le gouvernement chinois est-il prêt à aller pour reconquérir la démocratique Taïwan? L’agrandissement d’îles existantes ou la création d’îlots artificiels, par la marine chinoise, dans les eaux internationales, notamment sur les archipels des Paracels ou Spratly, objets d’importantes tensions territoriales entre la Chine, Taïwan, le Vietnam, les Philippines mais aussi les USA (qui veulent maintenir un accès maritime international), peut déstabiliser la région. L’Empire du milieu possède aujourd’hui plus de navires militaires que les Etats-Unis d’Amérique , même si ces derniers ont encore une avance technologique et logistique. D’après le magazine Opex 360, la marine chinoise possède 601 bateaux et sous-marins. Les chantiers navals China Shipbuilding Industry Corporation [CSIC] et China State Shipbuilding Corporation [CSSC] produisent, en quatre ans, l’équivalent de la Marine nationale [française].
Face à ces évolutions géo-politiques, que peut faire l’Union Européenne? Pour l’instant, un des membres fondateurs de l’UE, la France, qui possède le deuxième domaine maritime au monde, souhaite se débarrasser de la Nouvelle-Calédonie, île située à 1500 km de la côte Est de l’Australie, en multipliant les référendums indépendantistes. Est-ce du fait d’une vraie volonté politique ou bien, plutôt, par manque de moyens logistiques et financiers? En tout cas, les Calédoniens ont refusé, une fois de plus, l’indépendance, bien au fait des conséquences socio-économiques que cela impliquerait. En effet, une île, pour vivre, a besoin d’être reliée soit à un continent soit, au minimum, à un autre territoire insulaire. A moins que l’Australie ou la Nouvelle-Zélande ne souhaite établir leur influence sur la Nouvelle-Calédonie, l’hypothèse d’une avancée des USA, ou surtout d’une Chine en mal de matières premières, n’est pas à écarter. Ni un marché de dupes où les Calédoniens espèreraient obtenir l’indépendance, tout en gardant les aides financières de la métropole française qui est elle-même endettée à plus de 100% de son PIB.
L’échelle continentale est également nécessaire en matière sanitaire. La recherche d’une solution contre l’épidémie actuelle du Covid 19 en est un exemple : le laboratoire états-unien Pfizer vient de communiquer sur la phase 3 (en cours) de son étude clinique, en partenariat avec la société pharmaceutique allemande BioNTech, portant sur plus de 43.000 personnes (la plupart des études internationales se fait sur un “échantillon” de quelques milliers de volontaires, et non pas sur plusieurs dizaines de milliers). Ou bien, à plus petite échelle, la recherche virologique (400 salariés en tout) conjointement menée par l’Institut Pasteur et l’Américain Merck qui produira le futur vaccin, en cas de succès scientifique.
Toute entité territoriale, si elle veut survivre, doit obligatoirement avoir sa place au sein d’une organisation continentale. Cela ne veut pas dire qu’elle renonce à ses racines locales mais qu’elle accepte, plus ou moins consciemment, à faire évoluer son identité locale. Nous prendrons deux exemples : celui de la Suisse (qui n’appartient pas à l’UE mais a signé des nombreux accords avec elle) et sa voisine, la France (un des pays fondateurs de l’Union Européenne) et, plus particulièrement, deux de ses collectivités locales : l’Ile-de-France et la Vendée.