Loi sur les retraites : comment faire confiance à une institution dont le chef ment aux électeurs ?

En plein débat sur la réforme des retraites, au Sénat, Contrib’City a eu l’idée d’aller voir si Gérard Larcher, Président des sénateurs, avait enfin pu franchir l’obstacle de la transparence de la vie publique. Voici bientôt deux ans, votre site avait pointé le fait que le n°2 de l’État français avait déjà buté contre les barres de cette obligation pénale. Le site de la HATVP, sous la direction du Premier Ministre de l’époque, M. Castex, était sans appel : notre cavalier de la politique française, à la rubrique « mandats publics » indiquait Néant. C’est-à-dire que le digne sénateur, malgré le fait qu’il trotte depuis quarante ans dans les couloirs de nos institutions, avait osé publier, sur l’honneur évidemment, qu’il n’avait jamais été élu et que, par la même occasion, il n’avait jamais bénéficié du moindre revenu public issu de ses différentes fonctions.

Contrib’City espérait que, depuis, le Président des Sages de notre République aurait saisi l’occasion pour faire un deuxième parcours, et cette fois-ci, sans fautes, tel Bellérophon chevauchant Pégase pour vaincre le monstre des conflits d’intérêts, comme l’exige la loi sur la transparence de la vie publique de 2013. Mais en vain, et malgré toute son expérience, le politicien fait à nouveau un arrêt devant l’obstacle et fait tomber toutes les barres : re-badaboum !

D’un côté, nous avons un gouvernement, et ses alliés politiques au Parlement, bénéficiant de conditions de travail et de pension avantageuses, et qui essayent de faire passer une réforme sur les retraites qui est mal-ficelée, mal présentée et inefficace, sauf pour entraîner les gens dans la rue. De l’autre côté, cette réforme implique plus de sacrifices pour les pauvres mortels des classes moyennes et modestes. Avec, encore une fois, un texte qui bute sur l’obstacle des 64 ans, alors que la solution, pour contourner cette barrière, consiste tout simplement à laisser la liberté aux Français de choisir la date de leur départ vers la jubilacion – comme diraient les Espagnols – en fonction du niveau de vie que chacun souhaite pour ses vieux jours.

Il serait souhaitable que nos élus vivent dans des conditions qui les rapprochent, matériellement parlant, de celles que vit au moins la moitié des habitants de ce pays (métropole et TOM) : le salaire médian français se situe à 2000 € environ. Il serait bon que, dans un débat impliquant des transformations profondes de l’organisation de notre société, ceux qui détiennent le pouvoir respectent les règles de transparences vis-à-vis du peuple, c’est-à-dire des électeurs, des citoyens.

Contrib’City s’étonne aussi du silence fracassant des autorités judiciaires concernant notre cavalier national alors que l’ancien haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, et l’ex-ministre délégué aux PME, Alain Griset, avaient été condamnés à de la prison avec sursis[1]Alain Griset avait fait appel de la sentence., pour une absence de déclaration tournant respectivement autour de 16.000 et 171.000 euros. Notre Bellérophon, quant à lui, vole vers des sommets nettement plus hauts : juste en prenant en compte sa Présidence du Sénat, et en inscrivant Néant dans sa déclaration d’intérêts, il omet de préciser qu’il touche plus de 14.400 € bruts par mois, ce qui donne un total, sur plus de huit ans, d’un montant supérieur à 1,3 million d’euros. Patatras !

Certes, l’exécutif a politiquement besoin du Président du Sénat, qui est également membre du parti LR, pour faire passer sa réformette, pour reprendre le mot de l’économiste Marc Touati. Car de toute façon, même si elle passe, cette dernière deviendra rapidement caduque au regard des réalités démographiques et économiques de notre pays. En d’autres termes, dans quelques années, il faudra la modifier à nouveau.

Mais, ce qui est important, c’est la nécessité que ceux qui portent la responsabilité d’un mandat démocratique soient effectivement au service du Peuple et partagent, dès le départ, des informations fondamentales pour une vie publique transparente.

Une vraie démocratie, non seulement dans ses aspects extérieurs, télévisuels, mais également dans ses fondements, est à ce prix. Si nous nous contentons de faux-semblants, il est à craindre que le pays chute régulièrement devant les barres de la confiance des habitants au regard de leurs élus.

Le jour où il faudra prendre des mesures drastiques, comme le remboursement de la Dette publique, estimée à 4500 milliards d’euros en incluant les engagements de l’État – dont les retraites des fonctionnaires – le choc provoqué risque de faire tomber non pas seulement un obstacle du concours démocratique, mais le parcours tout entier de notre système qui protège nos libertés. Il faudrait alors appliquer un remède de cheval qui pourrait être très douloureux. Respecter la HATVP constitue un bon vaccin, pour commencer, contre l’opacité de la vie publique française.

Déclaration de Gérard Larcher, Président du Sénat depuis 2014, sénateur depuis 1995, ancien ministre sous Jacques Chirac, et élu local yvelinois entre 1979 et 2014 (sauf entre 2004 et 2007). Sur son compte de la HATVP, à la rubrique “Fonctions et mandats électifs exercés à la date de l’élection ou de la nomination”, il écrit : “Néant”. A titre de rappel, un Président de Sénat touche plus de 14.400 € brut par mois. Montant total de la rémunération depuis qu’il exerce ce mandat : plus de 1,3 million d’euros. C’est beaucoup, pour du “néant”.
Autre petit détail, à la date du 1er mars 2023 : à la rubrique “Participations directes dans le capital d’une société”, notre cavalier national de la Politique a masqué le nom de la société civile immobilière dans laquelle il détient la bagatelle de 225.000 €. Or cette information doit être publiée, selon la loi de 2013. Cela est logique : autrement, comment les électeurs pourraient-ils vérifier, au sein des déclarations sur le site de la HATVP, s’il y a des conflit d’intérêts concernant les candidats, c’est-à-dire l’objet principal de la Loi sur la transparence de la vie publique?

(Photo de couverture : AFP/Archives. cf: https://www.publicsenat.fr)

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4 réflexions sur “Loi sur les retraites : comment faire confiance à une institution dont le chef ment aux électeurs ?

  • 2 mars 2023 à 18 h 06 min
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    625 000 élus en France, 1% de la population, record mondial. Pour un Pays qui détient déjà le record mondial d’emplois publiques par habitant. Et le record du monde des prélèvements fiscaux et sociaux.
    Ces 1% censés être au service de la population, oublient vite leur devoir, ils deviennent rapidement une élite d’élus professionnels qui se nourrit tel un parasite sur le dos de la bête… Ils se servent au lieu de servir.
    577 députés, 370 sénateurs, 36 000 maires, 560 000 conseillers municipaux etc etc … et c’est sans compter les élus européens censés à l’origine créer une économie d’échelle… et tous ces conseillers, ces experts, ces technocrates, employés et qui gravitent autour de ces soleils auto proclamés que sont autant de preuve de leur inutilité générale. Toutes ces couches d’inutiles et d’incompétence s’auto-alimentent pour nous convaincre de leur importance dans le bon fonctionnement de nos institutions, pondent des lois liberticides qu’ils ne s’appliquent pas à eux mêmes, créent des règles incroyablement tordues pour s’assurer leur survie en faisant croire qu’ils sont indispensables…
    Les USA sont-ils moins efficaces politiquement avec 100 sénateurs pour 315 millions d’habitants et 436 députés (représentants)?
    Nos élus, Que créent-ils sinon l’illusion de se croire indispensables, alors qu’ils utilisent et entretiennent le système pour gagner de l’argent et des privilèges. Voitures de fonction, voyages gratuits, assistants de toutes sortes, impôts quasi inexistants, retraites hors normes…
    Ces élus que l’on voudrait imaginer comme passionnés de l’intérêt général, ne sont en fait que motivés par leurs propres intérêts particuliers, leurs propres jalousies, aigreurs et autres névroses… ils sont encouragés par l’inefficience du système qu’ils entretiennent… ce qui conduit à la défiance sans cesse croissante des électeurs qui se tournent vers une abstention inquiétante…

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    • 2 mars 2023 à 22 h 34 min
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      Merci Marc pour vos remarques : tout cela prête effectivement à la réflexion et à un changement profond dans nos gouvernances françaises. Car de toute façon, nous n’en avons plus les moyens.

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  • 2 mars 2023 à 16 h 30 min
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    Félicitons le combattant pour ce cheminement qui purifie l’air socio-économique.

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    • 2 mars 2023 à 18 h 31 min
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      Merci Prith! Oui, en ce moment, avec le beau temps, l’atmosphère est assez polluée à Paris (selon Airparif, aujourd’hui, la qualité de l’air est mauvaise), et notamment dans nos institutions politiques. Je cherche des solutions à ce problème. La HATVP peut jouer un bon rôle de prévention.

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