Rurbanisation : l’exemple de Metz (1/2)

Dans mon article du 13 août 2019, j’ai montré que Metz présentait des atouts dans les trois secteurs économiques : agriculture (en particulier les céréales et l’élevage), l’industrie de pointe (automobile notamment) et services (recherche, conseil, tourisme, culture) [1]de FOUCAULD Bertrand, L’agglomération de Metz : pourquoi tant d’atouts si peu exploités?, 13 août 2019. Disponible sur : https://contrib.city/index.php/2019/08/13/lagglomeration-de-metz-pourquoi-tant-datouts-si-peu-exploites/. A ce titre la périphérie messine joue un rôle essentiel dans la zone urbaine en apportant des ressources nécessaires à la vie quotidienne de cette dernière.

(Photo de couverture : vue du village de Failly, situé juste à l’extérieur de la périphérie (nord-est) de Metz-Métropole. Prise depuis l’ancienne ligne de chemin de fer allemande, en amont et au nord du village. BdF, 24 août 2019).

Qu’est-ce que la rurbanité?

Aujourd’hui, nous aborderons la partie la plus éloignée du centre urbain, celle de la zone rurbaine. Mais que veux dire rurbain? Issu de la fusion entre les mots rural et urbain, ce terme signifie un territoire qui a gardé un aspect rural, avec la présence de champs par exemple, mais habité, en tout cas en partie et d’une façon croissante, par des ménages exerçant une activité dans la ville, donc dans les secteurs secondaires (industrie) ou tertiaires (services). [2]A titre de rappel, un comptable, même s’il travaille pour le Ministère de l’Agriculture, exerce un emploi dans le secteur des services, donc dans le secteur tertiaire A l’échelle nationale, les personnes ayant un emploi dans le secteur agricole (au sens large du terme) représentaient 2,8% de la population active française en 2014. [3]INSEE, Population en emploi selon le sexe et le secteur d’activité, le 01/03/2016, [vu le 02/09/2019]. Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1906677?sommaire=1906743, avec un nombre de fermes qui a baissé de plus de la moitié entre 1993 et 2013, et avec une surface moyenne [des grandes exploitations qui] dépasse aujourd’hui 100 hectares [4]INSEE, Exploitations agricoles, le 20/02/2013, [vu le 02/09/2019]. Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374189?sommaire=1374192.

Ferme à l’entrée du village de Nouilly. Elle est à la fois proche du village puisqu’elle touche le tissu urbanisé de ce dernier, et suffisamment à l’extérieur pour faciliter l’accès aux prés, aux champs et aux autres bâtiments agricoles. Photo de gauche : la grange avec le foin à gauche. A droite, le corps de ferme, située à l’entrée du village. Photo de droite : l’étable. On aperçoit une citerne (40m3 environ). Photos : BdF, 24 août 2019.

Les forces de ces territoires

Ces zones rurbaines présentent de nombreux avantages quant au cadre de vie. Dans les métropoles de province, et notamment à Metz, la campagne peut-être rejointe, en voiture, à partir du centre-ville en 20 mn, avec un trafic fluide (30 mn en heure de pointe).  [5]Ces données sont à comparer avec les 45 mn minimum pour rejoindre un territoire rural, au-delà de Saint-Germain-en-Laye à l’ouest ou de Marne-la-Vallée à l’est, à partir de Notre-Dame-de-Paris, en Ile-de-France.

Le coût de l’immobilier, dans ces milieux ruraux proches de la zone urbaine messine, intéresse notamment des jeunes ménages qui débutent à la fois leur vie professionnelle et familiale. Même si la valeur marchande d’un champ (calculé par hectare) peut  se voir multipliée jusqu’à 50 [6]voire davantage si ce dernier est rendu constructible par le maire – et dans ce cas-là le prix de ce terrain ne sera plus estimée à l’hectare mais au m², c’est-à-dire selon une unité de surface 10.000 fois plus petite, signe fort du changement de fonction et de prix de cette parcelle – ce terrain devenu constructible représentera quand même une opportunité financière et immobilière. Par exemple, un jeune couple pourra faire construire ou acheter un logement plus grand qu’en centre-ville, généralement une maison avec jardin, dans un cadre “verdoyant”, avec peut-être un ruisseau passant dans les parages, à l’image du cours d’eau au nord de Failly et provenant de l’étang situé en contre-bas du Bois de Monsieur et du Bois Driat à l’est du village, ou comme le ruisseau de Quarante qui traverse Nouilly.

Les promoteurs ont bien compris ces mécanismes et guettent les opportunités (occasionnées par des rencontres avec les élus notamment lors de salons) de terrains agricoles qui vont bientôt changer de registre et être inscrits, dans le plan local urbain (PLU) concerné, non plus comme zone agricole mais comme zone urbaine. Ces promoteurs immobiliers font travailler non seulement des employés du BTP (venant de pays situés au sein de l’Union Européenne ou bien à l’extérieur de l’U.E) pour aménager ces terrains (voirie et la distribution des fluides) mais également des cabinets d’études, d’architecture et/ou d’urbanisme. Ils participent aussi à créer des zones commerciales pour alimenter les jeunes ménages fraîchement arrivés qui en profitent pour mettre au monde des enfants. Tout cela contribue à créer un véritable tissu économique.

Ces communes ont vu leur tissu urbain s’agrandir, tout d’abord par le mitage [7]Le mitage de l’espace rural consiste en l’implantation un peu anarchique de maisons. L’arrivée de règles d’urbanisme pourra éventuellement ralentir ou stopper les constructions sur la zone concernée mais déplacera également la tendance puis loin en périphérie puis par l’unification des parcelles construites (rues, maisons, appartements, bureaux, ouvrages d’art publics tels que des châteaux d’eau…). Parallèlement à cela, la ville principale de la métropole, souvent située au centre de l’agglomération, s’agrandissait également et rejoignait la zone urbaine du village devenu ville de banlieue, avant d’intégrer cette dernière, à l’image du quartier de Plantières-Queuleu, situé dans la partie est de Metz : Plantières était autrefois une commune indépendante, à laquelle s’est attachée en 1789 celle de Queuleu (connue pour son fort), avant d’intégrer la métropole en 1908 [8]TOUT METZ, “Quartier de Plantières-Queuleu à Metz” in Les Quartier de la ville de Metz, 2010-2011, [vu le 03/09/2019]. Disponible sur : https://tout-metz.com/quartiers/metz-plantieres-queuleu.

Ces territoires rurbains, qui comprennent donc des caractéristiques à la fois urbaines et rurales, recèlent quelque fois des curiosités culturelles et/ou touristiques qui apportent un cachet particulier. A titre d’exemple, les communes de Failly et Nouilly possèdent encore des vestiges de la ligne de chemin de fer allemande ouverte en 1908 : l’ancien tracé et le début d’un viaduc à Failly et un tunnel à Nouilly (le plus long de la région). Ces restes historiques rappellent aux habitants et aux visiteurs l’histoire de ce territoire et pourraient éventuellement servir de départ pour un circuit à thème sur les apports germaniques, en terme de BTP, en Alsace-Lorraine.

Vestiges du viaduc de Failly sur l’ancienne ligne Metz-ville <-> Uberherrn. Cette ligne fut mise en service en 1908 par les Allemands qui détruisirent le viaduc en 1944. Ce dernier était le plus long du réseau Alsace-Lorraine (574 m) et mesurait 34 m de hauteur. Le tunnel, qui existe toujours et qui prolongeait le viaduc vers le sud, pour relier Nouilly, était le 2e plus long de ce même réseau. A gauche, le départ du viaduc (côté est). A droite, les fondations de piliers, côté oriental. Photos : BdF, 24 août 2019.
Le Viaduc de la ligne de chemin de fer allemande, entre Failly et Nouilly, en 1908. Sources : archives de Nouilly.

Les risques pour la zone métropolitaine

Mais attention! Cadre de vie et environnement sont deux choses différentes : un endroit peut offrir un cadre de vie agréable tout en présentant des problèmes de pollution.

A ce titre, les zones rurbaines, à long terme, peuvent augmenter leurs émissions de gaz à effet de serre (CO2) et/ou polluant (CO). Elles voient la circulation automobile augmenter et ainsi encourager la construction de nouvelles (auto)routes pour relier ces zones rurbaines à la couronne péri-urbaine, ou carrément au centre-ville de la métropole. Ainsi, au nord de l’île où se trouve le Fort-Moselle, les automobilistes venant de l’ouest de Metz peuvent se garer gratuitement (s’ils ont un abonnement aux transports en commun messins) sur le parking situé entre les ponts Eblé et Jean-Monnet. Mais on peut également prendre l’A31 qui traverse Metz par une boucle sud-est/nord et passe à moins de 500 m à vol d’oiseau du très dense centre-ville médiéval. De même, la voie rapide Est qui prolonge la A314 à l’est de Metz, passe à moins de 250m de la Porte des Allemands, c’est-à-dire l’entrée orientale de la vieille ville.

Carte du haut : la distance à vol d’oiseau entre l’A31 et le centre-ville est de moins de 500m. Carte du bas : La distance entre la voie rapide Est et l’entrée orientale de la vieille ville est de moins de 250 m. [9]IGN, Géoportail. Disponible sur : https://www.geoportail.gouv.fr/carte.

Panneau d’un parking à l’entrée de Metz Les abonnés au réseau MET’ ne payent pas leur stationnement. Les habitants des zones péri-urbaines et rurbaines de la métropole messine sont donc encouragés à ne pas entrer avec leurs véhicules dans le centre-ville médiéval dense. On retrouve ce type d’organisation des transports dans d’autres capitales régionales comme Bordeaux par exemple. Photos : BdF, 28 août 2019.

L’autre conséquence de la rurbanisation des territoires : le mitage des campagnes environnant les métropoles conduit inexorablement à l’urbanisation à terme de ces zones rurales. Cette urbanisation entraîne une artificialisation des terrains, via la construction de voies de communication et de bâtiments, et donc une augmentation du risque de crue majeure pour les zones situées près des cours d’eau. A titre de rappel, une terre végétalisée absorbera une partie des précipitations et donc freinera le débordement du cours d’eau situé en contrebas. Une route goudronnée, ou un lotissement, accélèrera au contraire l’évacuation des pluies vers le ruisseau ou la rivière du bassin versant local.

A l’échelle de la métropole, les rives urbanisées de la Moselle sont vulnérables aux inondations non seulement dans le centre, où se situent des monuments historiques (La Comédie, le Temple, l’université de Metz) ainsi que magasins et des bureaux, mais également en amont du fleuve (la maison de retraite et la zone d’activités Tournebride à Moulins-lès-Metz) et en aval (Pôle industriel du Malambas à Hauconcourt).

Le réchauffement climatique ainsi que l’extension urbaine croissante participent à augmenter non seulement la fréquence de ces crues mais également leur force. Le niveau des plus hautes eaux connues, à Metz, est susceptible d’augmenter dans la décennie qui vient. La construction de barrages ou digues n’apporte un répit que dans la mesure où la crue reste moyenne. Dans le cas d’une inondation exceptionnelle, ces équipement publics peuvent se révéler contre-productifs en retenant l’eau alors que le niveau du cours d’eau a déjà commencé à baisser [10]cf : de FOUCAULD Bertrand, Extension urbaine et inondations (Paris et Londres), [vu le 6 juillet 2019]. Disponible sur : https://contrib.city/index.php/2019/07/06/extension-urbaine-et-inondations-londres-et-paris/.

Bibliographie complémentaire [11]METZ, Berges du plan d’eau, [vu le 4 septembre 2019]. Disponible sur : https://metz.fr/lieux/lieu-963.php.[12]METROPOLE DE METZ, “Quartier de Borny à Metz” in Tout Metz – Actualités régionales & agenda, le 5 septembre 2019, [vu le 5 septembre 2019]. Disponible sur : https://tout-metz.com/quartiers/metz-borny.[13]MELCHIOR, Croissance zéro et la décroissance, [vu le 5 septembre 2019]. Disponible sur : https://www.melchior.fr/notion/la-croissance-zero-et-la-decroissance.[14]INSEE, “Metz-Métropole perd des habitants entre 2010 et 2015, du fait d’une faible attractivité résidentielle” in Dossier Grand Est n° 9, août 2018, [vu le 4 septembre 2019]. Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3600178?sommaire=3600210.[15]MERLIN Pierre, Les grands ensembles, Paris, La Documentation française, 2010, 209p.[16]BAUD Pascal, BOURGEAT Serge et BRAS Catherine, Dictionnaire de géographie, Paris, Hatier, 2003, 544 p.[17]GEORGE Pierre, VERGER Fernand, Dictionnaire de la géographie. 8e éd, Paris, PUF, 2004, 462 p.[18]DAUPHINE André, Risques et catastrophes – Observer, spatialiser, comprendre, gérer, Paris, Armand Colin, 2005, 288p.[19]SALOMON Jean-Noël, L’Homme face aux crues et aux inondations, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 1997, 136 p.[20]LAZARO Timothy, Urban hydrology: a multidisciplinary perspective. (revised edition), USA, Technomic Publishing Co, 1990, 243 p.[21]GRAFMEYER Yves, Sociologie urbaine, S.l., Armand Colin, 2005, 128 p.

 

Panneaux indiquant la plus forte crue de la Moselle à Metz : 8,90 m le 30 décembre 1947. D’autres panneaux, présents de l’autre côté de la pile située à l’extrémité sud-est du Pont des Morts, montrent que la capitale régionale est coutumière de crues exceptionnelles. Les différents aménagement hydrauliques permet de contrôler les débits du bassin versant et notamment de la Seille et de la Moselle, à conditions que les précipitations de ce bassin restent à un niveau moyen. Dans le cas de crues exceptionnelles, ces équipements peuvent même, dans certains cas, ralentir la décrue dans les zones urbaines. Photos : BdF, 1er juin 2019.
Pôle industriel du Malambas
Cette zone, indiquée par le carré violet, se situe dans le lit majeur de la Moselle, au niveau de la commune de Hauconcourt. Sources : Géorisques.
Metz et Moulins-lès-Metz. Sources : Géorisques.

 

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Références[+]

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