Mariupol

Il pleut des bombes sur la Mariupol :
Les enfants, leur corps blanc déchiqueté,
Laissent interrogateurs leurs froids regards
Fixés sur l’Azov et l’éternité.
A l’horizon, l’horreur et ses hussards :
Il pleut encor la mort sur Mariupol.

Le tonnerre d’un métallique obus
Projette au loin les flammes de l’enfer :
Sur les bateaux gris, les canons en fer
Envoient par dessus le flot long et noir,
L’anéantissement, le désespoir.
L’est pleure : du pouvoir, cessez l’abus!
Il pleut encor la mort sur Mariupol.

L’armée russe encerclait toute la ville,
A distance elle lançait un long missile
Qui sifflait, terrifiait et puis rasait
Un quartier un immeuble une famille.
Une arme téléguidée détruisait
L’espoir de l’Ukrainien qui s’éparpille :
Il pleut encor la mort sur Mariupol.

Dans quelque pâle banlieue hivernale,
Des miliciens erratiques et fantômes
Jouent faux un air macabre d’opéra :
Spectres robotisés ou scélérats,
Machinerie très lisse et infernale,
Qui donne de sinistres hématomes.
Il pleut encor la mort sur Mariupol.

Les souvenirs de Yalta, la railleuse,
Ses promesses de paix sans coup férir,
Les trahisons envers la Budapest :
Se dénuder, espérer puis périr
Face aux obusiers, chars et mitrailleuses.
Les gens face au choléra ou la peste :
Il pleut encor la mort sur Mariupol.

De l’autre côté de la belle Europe,
Nous regardons en chœur, passifs satyres,
A la télé, l’horreur bien programmée
Et les exactions d’une vaste armée.
Le sang de beaucoup de jeunes martyres
Eclabousse notre écran interlope :
Il pleut encor la mort sur Mariupol.

Nos lins sont clairs, notre mine sobre,
Sauf nos grandes consciences qu’on ne lave.
Nos lâchetés jetteront l’opprobre
Sur la très longue Histoire européenne :
Un David face à la cyclopéenne,
Une ville crucifiée face au Slave.
Il pleut encor la mort sur Mariupol.

Où l’Atlantique termine son onde,
Les nombreux citoyens du Nouveau Monde
Et leur très vénérable Président,
Grâce à leur puissance démocratique,
Nous aident puis envoient leur grand trident,
Pour permettre une solution pratique :
Il pleut encor la mort sur Mariupol.

J’attends, j’espère un autre lendemain,
Où la paix règne dans l’humanité.
Les dauphins porteront l’adolescent,
Les femmes donneront leur douce main,
Le soleil dansera, incandescent,
Les poètes écriront : Fraternité !
La vie baigne le port de Mariupol.

 

(Photo de couverture : remerciements à l’AFP Archives).

3 réflexions sur “Mariupol

  • 18 avril 2022 à 22 h 06 min
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    Beau poème dans un monde de brutes. Que la paix et la concorde règnent sur terre….

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  • 15 avril 2022 à 21 h 43 min
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    Un peu de poésie dans ce monde de brutes : merci. Cela résume parfaitement ce qu’il se passe. La réalité en poésie ; ça passe mieux !
    Nous sommes de tout cœur avec ce peuple qui se bat depuis plus d’un mois pour sa liberté et sa patrie, c’est déchirant ces familles qui se séparent : les hommes à la guerre et les femmes et enfants en exil…

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    • 16 avril 2022 à 10 h 41 min
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      Poète, dépose ton luth: laisse nous pleurer en solitaires!

      Répondre

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