“Concerto pour clarinette et orchestre à cordes (avec harpe et piano)” d’Aaron Copland
Né dans le quartier de Brooklyn en 1900, Aaron Copland est le cinquième et cadet d’une famille russe d’origine juive. C’est l’une de ses sœurs, Laurine, qui l’initia à la musique avec la pratique du piano et la découverte du ragtime ainsi que de l’opéra.
Agé alors de 17 ans, il étudia ensuite l’harmonie, le contre point ainsi que la composition pendant quatre années auprès de Rubin Goldmark, compositeur et professeur américain du début du XXe siècle, professeur également de Gershwin. Malgré des critiques parvenant de Copland envers son professeur qui le décrit comme « trop pédant et académique », l’enseignement de Goldmark lui permit d’avoir une bonne base musicale pour sa carrière musicale.
Copland assistait aux spectacles de la danseuse moderne américaine Isadora Duncan. Il allait également voir les Ballets Russes de Serge de Diaghilev.
En 1921, après avoir économisé, il partit s’installer à Paris et étudia au Conservatoire Américain de Fontainebleau puis étudia la composition avec la compositrice française Nadia Boulanger qui lui donna confiance en lui-même et l’encouragea à écrire sa propre musique: “On pouvait immédiatement deviner son talent” selon Boulanger et Copland de dire: “Je compris immédiatement que j’avais trouvé mon maître”.
Grâce à sa relation avec Boulanger, Copland a eu l’occasion de rencontrer des compositeurs célèbres tels que Stravinsky et Poulenc et a même été publié par l’éditeur de Debussy. Il retourna en 1925 aux Etats-Unis avec une perception optimiste et enthousiaste du futur et fera la rencontre de Serge Koussevitzky (1874-1951), le directeur musical de l’Orchestre Symphonique de Boston, qui deviendra son autre mentor.
Copland était considéré par ses contemporains comme “le doyen des compositeurs américains”. Les styles musicaux utilisé dans ses œuvres sont marqués par plusieurs périodes sans toutefois entendre de façon franche chaque élément formant plutôt une synthèse de chaque. Il représente la musique américaine contemporaine.
Dans ses jeunes années, une tendance impressionniste, post-romantique, se dégage avec les caractéristiques de compositeurs tels que Claude Debussy (1862-1918) ou Scriabine (1871-1915). Le Jazz fait également son entrée dans l’œuvre de Copland, style musical qu’il découvrit à New York. Le Groupe des Six, entre 1916 et 1923 avec Darius Milhaud et Francis Poulenc entre autres, aura une influence sur son esthétique.
Une autre période vint ensuite à partir des années 1930 représentant une harmonie austère et rude, très dissonante. Suivi d’un style délibérément accessible que le compositeur a appelé “vernaculaire”, agrémenté de matériaux issus du Klezmer, des afro-américains et des latinos. Il s’essaya au style dodécaphonique dans les années 1950. Aaron Copland mourut à l’âge de 90 ans, en 1990, des suites de la maladie d’Alzheimer.
Ses mélodies ne sont guère développées, souvent elles apparaissent sous forme de thèmes vifs, d’idées musicales qui seront reprises par la suite avec plus de détails. Les grandes œuvres laissées proviennent principalement entre les années 1930 et 1940 dans sa période Populiste avec un ballet nommé Appalachian Spring (1944), puis un autre sur le folklore américain Billy the Kid (1938), une musique populaire mexicaine El salon México (1932-1936), sa Symphonie n°3 (1944-1946), sa Fanfare for the Common Manet (1942) et bien d’autres.
Focalisons-nous maintenant sur son Concerto pour clarinette qui est le second et le dernier concerto (Concerto pour piano en 1926) en tant que genre que Copland utilisera dans sa vie musicale.
Après la création de sa Symphonie n°3, le clarinettiste de jazz Benny Goodman lui commanda une pièce au sujet de laquelle il affirma :”Je n’ai fait aucune demande sur ce que Copland devait écrire. Il avait toute liberté, sauf que je devais avoir l’exclusivité de l’exécution de l’œuvre pendant deux ans.” Elle sera écrite entre 1947 et 1948.
Ce concerto est écrit en deux mouvements reliés avec une cadence solo à la clarinette au milieu d’une durée d’un quart d’heure environ.
Le premier mouvement Slowly and expressively (= circa 69) de forme A B A (Lied) est passionné avec un thème parfaitement romantique, l’un des favoris de Copland : Je crois qu’il fera pleurer tout le monde. Le compositeur expliqua que l’expression de ce lyrisme doux-amer provenait de sentiments de solitude mais aussi du fait de son homosexualité.
La partie centrale, Cadenza (freely), permet à l’artiste de s’exprimer avec virtuosité, grâce à la mise en place de thèmes jazzy latino-américains en prémisse du mouvement suivant.
Le second mouvement, Rather fast (=120-126), est de forme rondo (A / B / A / C / A / D / A / coda) montre une référence au style swing avec un rythme syncopé, stimulant qui se résolvera sur une coda en do majeur sur un glissando, ou smear dans le langage jazzy faisant écho à celui de la Rhapsody in Blue de Gershwin. Copland notifia que son finale est issu d’une fusion inconsciente d’éléments manifestement liés à la musique populaire nord et sud-américaine (par exemple, une phrase d’un air brésilien actuellement populaire, que j’ai entendu à Rio, s’est incorporée au matériau secondaire).
La cadence ainsi que la dernière partie de l’œuvre furent écrites spécialement pour Benny Goodman. Celui-ci répliqua au compositeur qu’il n’était qu’un simple jazzman avec des défis techniques délicats à jouer. Une correction sera apportée à la partition originale au niveau de la coda notamment avec des conseils notés au crayon par Goodman avec une mention: 1ère version – plus tard révisée – de la coda du Concerto pour clarinette (trop difficile pour Benny Goodman).
Un clarinettiste, Charles Neidich, l’a jouée en 2000 et a écrit au sujet de la version de 1948: …de cette coda, complétée par une partie de clarinette extrêmement brillante : des arpèges en cascade que [Copland] jugeait trop difficiles pour la clarinette et que, dans la version révisée, il confia au piano.
Extrait de Rather Fast (second mouvement) par Charles Neidich pour la cadence de 1948 enregistré en 2000.
Goodman n’étant toujours pas en confiance pour le jouer, Copland arriva quand même à fixer une date avec l’Orchestre de Philadelphie le 28 novembre 1950. L’ayant appris, Goodman s’empressa de le jouer le 6 novembre lors d’un concert radiodiffusé en avant première mondiale avec l’orchestre symphonique de la NBC dirigé par Reiner.
Deux transcriptions ont été enregistrées entre le clarinettiste et sous la direction du compositeur.
Enregistrement interprété par Benny Goodman (clarinette) et le Columbia Symphony Orchestra, sous la direction d’Aaron Copland (1963).
Photo de couverture : Aaron Copland.
Edition : BdF.
Dans les années 1950, ce que je composais pour un orchestre français à Pondichéry attira l’attention d’une amie américaine musicienne : elle me conseilla de me familiariser avec le monde de Copland. Lui, ainsi que Léopold Stokowski, par leurs écrits m’enrichirent considérablement. Merci, Bertrand, de ces extraits précieux représentant une époque charnière dans le monde de la composition.
Je vous en prie, cher Prithwindra! C’est surtout Erwan Latrouite qu’il faut remercier. Grâce à lui, je découvre Aaron Copland, compositeur qui, d’après ce que j’ai compris, relia l’ancien et le nouveau monde : le XIXe siècle romantique et le jazz, l’Europe et l’Amérique.